Avocats en grève : une marée noire inébranlable
Les avocats en grève générale depuis le 12 janvier 2020 continuent leur mouvement de manifestation contre la réforme des retraites. Cette réforme implique des changements considérables pour toutes les professions, qu’elles soient réglementées ou libérales. Il s’agit d’un nouveau système de retraite qui fonctionne par un régime universel. Le lundi 3 février, une énième manifestation a rassemblé près de 15 000 avocats en grève.
LegalClient fait le point sur cette grève noire.
La réforme des retraites
Actuellement, la retraite se cotise dès qu’une personne commence à travailler. Nul besoin de son consentement car il s’agit d’une cotisation obligatoire. L’ensemble des cotisations se répartissent parmi les retraités de l’année. Lorsqu’une personne est à la retraite, ses perceptions se calculent en fonction de ses revenus et de ses années de travail ainsi que de son âge de départ à la retraite.
Actuellement le taux de cotisation dépend de la catégorie socioprofessionnelle. Les avocats en grève dépendent à ce jour d’un taux de 14%.
Avec la réforme, les avocats passent à 28% de cotisations dans un régime universel.
Le nouveau régime de la réforme des retraites fait entrer un système de cotisation unique quelle que soit la catégorie socioprofessionnelle du contribuable. Pour Emmanuel Macron, il s’agit d’une révolution car » un euro cotisé donne droit à un euro de retraite ». Il estime que ça permet d’avoir une retraite plus juste qui sera calculé en fonction de « vos revenus, de votre âge de départ à la retraite et du nombre d’années passées à travailler« .
Cette suppression des 42 régimes est le point emblématique de la réforme. En effet, les 42 régimes vont laisser place à un nouveau système de régime unique.
La position sur le nouveau système est controversée
Une majorité de représentants politiques semble être pour le nouveau dispositif des retraites.
Selon Agnès Buzin« Il s’agit d’adapter notre système de retraites aux besoins qui sont les nôtres aujourd’hui « . elle affirme également que c’est » le rendre capable de s’adapter aux besoins qui émergent et qui vont s’amplifier dans le futur ».
La garde des sceaux Nicole Belloubet estime que ce régime profite aux avocats grâce au passage de 14% à 28% des cotisation retraites ce qui traduit une augmentation de leur retraite.
La position des avocats sur la grève
Les avocats en grève pour défendre leur régime de retraite autonome
Les avocats en grève depuis le mois de décembre se réunissent ponctuellement pour manifester au niveau national ou régional. Ils sont soutenus par leurs bâtonniers respectifs mais également par certains magistrats, greffiers, juristes, étudiants et autres corps de la justice.
C’est la première fois que 100% des barreaux sont mobilisés pour la même cause. La dernière manifestation a eu lieu le lundi 3 février avec une forte mobilisation des barreaux en France. L’action est soutenue par le Conseil national des Barreaux.
La mobilisation a également lieu sur les réseaux sociaux par un partage massif d’informations, de photos et de messages d’encouragement pour souligner l’unicité des avocats en grève face à la réforme de la retraite.
Les avocats non grévistes
Tous les avocats ne sont pas contrariés par le projet de réforme. Certains avocats estiment que ce projet est bénéfique pour la profession, même s’ils sont rares, il est de leur droit de soutenir ce projet.
Les conséquences de la mobilisation des avocats en grève
Une grève peut ralentir voir freiner le fonctionnement normal d’une entreprise. Il en va de même pour la grève des avocats. Mais il est nécessaire de rappeler que cette répercussion sur le monde judiciaire prend tout son sens pour les avocats mais également pour les justiciables.
D’abord, il y a une conséquence symbolique qui touche à l’image de la profession. Par exemple, cette scène où des avocats jettent leur robe devant Nicole Belloubet, garde des sceaux et ministre de la justice. Certains considèrent ce jeté de robe comme un affront à la déontologie de la profession. Pour d’autres, c’est un geste courageux et digne. Comme pour François-Xavier Berger, avocat au barreau de l’Aveyron, qui estime qu’ils « ont tout simplement voulu montrer, en silence, et par ce geste intense, l’exaspération qui est la leur aujourd’hui mais aussi leur impossibilité de pouvoir poursuivre la charge de leur fonction. »(article F.Berger Lextenso)
Voir aussi : Déontologie : quelles obligations pour les avocats ?
Ensuite, il y a une conséquence judiciaire. En effet, la grève des avocats a eu pour conséquence un ralentissement du système judiciaire. Toutefois, il faut préciser que les avocats font tout pour ne pas mettre en péril le destin du justiciable. Il ne faut pas oublier que cette grève c’est aussi pour le justiciable. En effet, avec la réforme, il y a le risque d’une augmentation considérable des honoraires des avocats. Une augmentation qui semble nécessaire pour assurer leur retraite.
Lire : 10 bonnes raisons d’avoir un avocat
Les conséquences positives :
Toutefois, les avocats sont sensibles au sort des personnes qu’ils ont juré de défendre avec dignité et humanité. Pour continuer leur résistance tout en respectant leur serment, certains vont jusqu’à plaider pro bono. Surtout en matière de contentieux de la rétention où beaucoup d’avocats se relayent pour plaider. Le 1 février 2020, 4 avocats obtiennent la remise en liberté de 3 étrangers et la condamnation de l’état à leur verser la somme de 1000€ sur le fondement de l’article 700. Cet acte de défense gratuite du citoyen témoigne de l’importance du justiciable aux yeux de l’avocat.
Enfin, les avocats sont aujourd’hui en attente d’une proposition du gouvernement. Le Conseil National des Barreaux et le Premier Ministre ont partagé deux communiqués à cette fin.