Expulsion de locataires : guide à l’usage des propriétaires
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Expulsion de locataires : guide à l’usage des propriétaires

2018 voit 36 000 locataires faire l’objet d’une expulsion, un chiffre record. Parallèlement, les tribunaux prennent 160 000 décisions d’expulsion pour impayés de loyer chaque année. Ces démarches sont fastidieuses, elles durent parfois jusqu’à deux ans si le locataire demande des renvois d’audience ou fait appel. Ça n’est un secret pour personne : l’expulsion est un processus qui s’avère coûteux et moralement éprouvant.

Respecter la loi n’est pas une option : dans le cas contraire et comme l’indique l’article 226-4-2 du Code Pénal, il en coûterait 3 ans de prison et 30 000€ d’amende.

Quelles sont les étapes pour dissoudre rapidement un bail d’habitation ? Quelles procédures faut-il suivre pour évincer un locataire indélicat ? Quels outils l’État met-il à la disposition des propriétaires et bailleurs concernés ?

Cet article répondra à toutes vos questions et citera les nouvelles ordonnances en matière d’expulsion locative.

Réagir dès le premier impayé de loyer

Ce mois-ci, votre locataire ne vous a pas versé le montant du loyer. Attendez environ cinq jours, à J+5 donc, et envoyez-lui une lettre de relance simple.

J+15 Envoi A/R de la mise en demeure

Par cette action, vous demandez officiellement au locataire de verser le loyer qu’il vous doit. La mise en demeure est encadrée par deux textes de loi : les articles 1344 et 1231 du Code Civil qui la rendent indispensable au versement ultérieur de dommages et intérêts.

La mise en demeure est une preuve. Elle permettra d’établir que vous avez tenté de régler cette dette locative par un moyen autre que la voie judiciaire.

Le courrier comporte :

– La date et le lieu de l’envoi,

– Objet : Mise en demeure”,

– L’identité et les coordonnées du destinataire,

– L’identité et les coordonnées de l’expéditeur,

– La somme due,

– Proposition d’un échéancier,

– Délai de réponse et d’exécution accordé au locataire avant d’entamer des poursuites judiciaires,

– Signature.

En l’absence de réaction de votre locataire, passez à la vitesse supérieure.

J+30 Le commandement de payer par voie d’huissier

C’est la première étape de la procédure d’expulsion. Il est préférable de demander l’assistance d’un professionnel du droit parce que les mentions obligatoires sont nombreuses.

Des démarches facilitées

Comme l’indique l’article 226-4-2 du Code Pénal tout propriétaire qui force autrui à quitter son lieu d’habitation sans respecter l’article L 153-1 du Code de Procédures Civiles d’Exécution s’expose à une amende 30 000€ et à trois ans d’emprisonnement.

Ce commandement de payer présentera notamment les clauses résolutoires incluses dans le bail en cas de défaut de paiement de loyer ou de charges.

À compter de la délivrance de ce document (la date sur l’accusé de réception faisant foi), le propriétaire attendra deux mois pour saisir le tribunal.

Notons que les commandements de payer sont considérablement simplifiés depuis le 23 novembre 2018, date de promulgation de la loi Élan. Il n’est désormais plus obligatoire de recopier les lois n°89-462 du 6 juillet 1989 (article 24) et n°90-449 du 31 mai 1990 (article 6).

Ce qu’il y a dans un commandement de payer

Depuis le 25 novembre 2018, le commandement de payer doit contenir sous peine de nullité :

– “La mention que le locataire dispose d’un délai de deux mois pour payer sa dette,

– Le montant mensuel du loyer et des charges,

– Le décompte de la dette,

– L’avertissement qu’à défaut de paiement ou d’avoir sollicité des délais de paiement, le locataire s’expose à des procédures judiciaires de résiliation de son bail et d’expulsion,

– La mention de la possibilité pour le locataire de saisir le fond de solidarité pour le logement de son département, dont l’adresse est précisée, aux fins de solliciter une aide financière,

– La mention de la possibilité pour le locataire de saisir, à tout moment, la juridiction compétente aux fins de demander un délai de grâce sur le fondement de l’article 1343-5 du Code Civil.”

La loi requiert un délai de deux mois entre la signification du commandement de payer et l’activation de la clause résolutoire de plein droit. Rappelons que ce paragraphe rompt automatiquement le bail si le locataire ne paie pas ses loyers pendant deux mois consécutifs.

Ces trois formalités sont essentielles ; sans elles, aucune procédure judiciaire n’est possible.

Saisir le tribunal pour expulser un locataire indélicat

La loi n°2019-222 du 23 mars 2019 change la donne. C’était auparavant le tribunal d’instance qui gérait les expulsions. Comme indiqué dans l’article 95, c’est désormais le tribunal judiciaire, ou plus exactement le Juge des Contentieux de la Protection qui s’en charge.

Mode Alternatif de Règlement des Litiges : essayer un MARL

Il est fortement conseillé de tenter une médiation ou une conciliation avant toute saisine du Juge des Contentieux de la Protection. Quelle est la différence entre une médiation et une conciliation vous demandez-vous ?

La différence est très simple : le médiateur n’appartient pas à la sphère judiciaire, il est un professionnel indépendant, contrairement au conciliateur, qui est un auxiliaire de justice.

La conciliation débouche pour sa part, sur une décision de justice nommée ordonnance de conciliation ou de non-conciliation. La médiation cherchera à identifier les problèmes de manière plus souple. L’objectif des deux étant de trouver un terrain d’entente entre les deux parties.

Notons que la médiation est payante lorsqu’elle est ordonnée par un juge. Elle est gratuite pour les conflits relatifs aux baux d’habitation. La conciliation est également gratuite.

Voici la liste des médiateurs répertoriés en France. Vous préféreriez vous orienter vers une conciliation ? Il faut alors vous rendre sur le site officiel conciliateurs.fr.

Quelques mots sur la convention de procédure participative

La convention de procédure participative est un contrat conclu entre les deux parties, en l’occurrence le bailleur et le locataire, qui s’engagent à “œuvrer conjointement et de bonne foi à la résolution amiable de leur différend” (article 2062 du Code Civil).

Une fois achevé et remis à chacune des parties, il aura force exécutoire. Cela signifie qu’il aura un pouvoir équivalent à celui d’un jugement : les décisions prises à ce moment devront être honorées sans quoi le juge interviendrait.

Ce document sera impérativement rédigé par un avocat. Legalclient met gratuitement en relation les justiciables avec le professionnel de leur choix : n’hésitez pas à les solliciter.

Saisir le Juge des Contentieux de la Protection pour une expulsion de locataire

Les médiations et autres modes alternatifs de règlement des litiges restent malheureusement vains. Il faut à présent saisir la justice. L’avocat ne sera cette fois pas obligatoire. Il reste toutefois conseillé pour les raisons mentionnées en début d’article.

Où faut-il s’adresser ?

Une requête ou une assignation (selon la situation) s’envoient au tribunal judiciaire du lieu de situation du bien immobilier.

Expulsion de locataire : requête ou assignation ?

Ces deux notions paraissent effectivement abstraites. Il reste néanmoins aisé de déterminer l’option à choisir.

Le litige concerne une somme inférieure à 5 000€

Dans ce cas, faites une requête et déposez-la (ou envoi postal A/R) au greffe. Le document doit comporter :

– L’identité du requérant (le propriétaire) et celle du locataire,

– La juridiction saisie : ici, le Juge des Contentieux de la Protection,

– Objet de la demande : la résiliation du bail par exemple,

– Le motif du litige,

– Les pièces justificatives, qui seront transmises aux parties adverses.

Le litige concerne une somme comprise entre 5 000€ et 10 000€

Tournez-vous alors vers une assignation. Pour cela, il faut en amont transmettre le cerfa 11764 (rempli et signé) au greffe, qui fixera une date d’audience. Un courrier accompagnera le dossier. La notice 51477 est indispensable.

Aux mentions précédentes, s’ajoutent :

– Le lieu, le jour et la date de l’audience,

– Les preuves que des MARL ont été tentés,

– (Si vous le souhaitez) votre accord pour que la procédure se déroule sans audience.

Un huissier sera nécessairement mandaté pour communiquer l’assignation au locataire de manière officielle.

 

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Accélérer une expulsion de locataire : comment ça se passe ?

Pour les cas d’urgence, il existe ce qu’on appelle une procédure en référé. Elle peut en effet être entamée deux mois après la signification du commandement de payer. N’oubliez pas de transmettre rapidement les preuves dont vous disposez à votre locataire sinon il pourrait demander un report d’audience. Ça sera à vous, propriétaire, de prouver le défaut de paiement ou le manquement grave dont il fait l’objet.

L’assignation en référé

Certes, l’idéal est qu’un avocat ou un huissier de justice assurent la rédaction de l’assignation en référé. En effet, cette dernière contient de nombreuses mentions obligatoires, sans quoi elle serait invalide. L’article 54 du Code de Procédure Civile détaille ces points à ne surtout pas oublier. Nous retiendrons donc qu’il faut y inscrire :

– L’identité du demandeur et l’identité du défendeur,

– L’objet de la demande,

– L’identité de la juridiction devant laquelle l’affaire est portée,

– La preuve d’une tentative de conciliation,

– « L’indication des modalités de comparution devant la juridiction et la précision que, faute pour le défendeur de comparaître, il s’expose à ce qu’un jugement soit rendu contre lui sur les seuls éléments fournis par son adversaire. ». Dans un tel cas, il ne bénéficierait pas du principe de contradictoire.

Ces modalités sont récentes, appliquées depuis 2020, suite à la promulgation du décret n°2019-1333 le 11 décembre 2019.

Le jugement rendu, sommez votre locataire de quitter les lieux

Demandez à un huissier de justice de délivrer à la partie adverse un commandement de quitter les lieux. Vous y joindrez une copie du jugement. À compter de sa délivrance, il dispose de deux mois pour partir.

L’huissier est tenu d’en informer conjointement le Préfet.

L’expulsion du locataire à proprement parler

Le locataire refuse de quitter les lieux malgré les sommations officielles. Il n’y a plus d’autres choix que de recourir à la force publique. L’huissier de justice dressera un procès-verbal de maintien dans les lieux et contactera le préfet. Lui seul décidera si la police est indispensable pour maintenir l’ordre public.

Dans le cas où il refuse l’intervention des forces de l’ordre, l’État assumera les dépenses liées à l’occupation illégitime du bien immobilier. Le propriétaire doit alors se tourner vers le Tribunal Administratif qui évaluera le montant des préjudices et ce que l’État devra payer.

Délais et coût d’une expulsion locative

L’expulsion d’un locataire prend du temps : elle se décompose en une succession d’actes judiciaires qui seront à la charge financière du perdant de l’affaire. En l’attente du verdict, c’est au propriétaire d’avancer les frais. Les ménages les plus précaires sont bien entendu éligibles à l’aide juridictionnelle.

Exemples de prix

Les tarifs donnés sont approximatifs puisqu’ils varient en fonction des régions. Ils comprennent la taxe fiscale forfaitaire de 14,89€ et les frais de déplacement.

– Commandement de payer = 130€

– Commandement de quitter les lieux = 100€

– Notification de PV d’expulsion = 55€

– PV d’expulsion = 200€ pour la première demi-heure, puis 75€ par demi-heure supplémentaire.

À cela s’ajoutent les frais de serrurier (changement de serrure) et les honoraires de l’avocat, qui, on l’a vu, ne sont pas toujours obligatoires. La procédure judiciaire est, quant à elle, complètement gratuite. Cela porte les frais moyens à 1 500€.

Combien de temps pour expulser un locataire ?

Une bonne nouvelle pour commencer : les procédures concernant des litiges inférieurs à 4 000€ seront résolues plus rapidement parce que le défendeur n’a pas la possibilité de faire appel.

Vous l’aurez compris, les deux mois accordés au locataire après lui avoir délivré le commandement de payer sont incompressibles. Il faut ensuite attendre que les médiations ou conciliations aient lieu. En l’absence de compromis, vous devrez attendre qu’une date d’audience soit fixée, comptons environ deux mois (hormis référés). Puis deux mois de délai supplémentaires sont accordés au locataire à compter de la délivrance commandement de quitter les lieux.

En bref, cela vous ramène à un an de procédures pour récupérer votre bien et voir l’expulsion du locataire effective.

Peut-on contourner la trêve hivernale ?

Ne négligeons pas la trêve hivernale, qui répond à l’article L412 du Code de Procédures Civiles d’Exécution et interdit au propriétaire d’évincer son locataire entre le 1e novembre et le 31 mars.

L’année 2020 a certe été particulière puisqu’en raison de la crise sanitaire, elle a été reportée au 10 juillet. Les expulsions de locataires ont été suspendues jusqu’à cette date.

Cette trêve allonge parfois la procédure décrite à 18 mois, à moins que le locataire montre une mauvaise foi manifeste quant à la résolution du conflit.

Il est toutefois possible d’expulser des locataires pendant cette période à condition qu’ils soient relogés dans un lieu décent et correspondant aux besoins de leur ménage. Les squatteurs, en revanche, ne bénéficient pas de ce droit.

Attention : les procédures d’expulsion sont amorçables malgré la trêve hivernale. En effet, rien n’empêche de faire parvenir un commandement de payer le 1e décembre et de saisir le juge dans les deux mois qui suivent.

Depuis le 23 novembre 2018, et grâce à la loi dite Élan, les locataires qui reprennent le paiement de leur loyer ou montrent leur bonne foi évitent que la clause de résiliation de plein droit ne s’applique. L’article 118 de cette loi n°2018-1021 précise en effet que “Si le locataire s’est acquitté du paiement des loyers et des charges conformément au contrat de location pendant le délai de deux ans mentionné au premier alinéa du présent VIII, la clause de résiliation de plein droit est réputée ne pas avoir joué.” À la suite de cette faveur, le locataire n’a plus le droit d’avoir d’impayés locatifs pendant deux ans, sans quoi le propriétaire peut exiger qu’il quitte les lieux sur le champ.

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