Harcèlement moral au travail comment se défendre
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Harcèlement moral au travail : comment se défendre ?

Le harcèlement moral est condamné par tous les textes de loi : Code du Travail, Code Civil, Code Pénal, jurisprudences. L’article 222-33-2 du Code Pénal en décrit les caractéristiques. Il menace les auteurs de peines allant de deux à cinq ans d’emprisonnement. Les amendes, elles, montent jusque 75 000€ si l’on fait le constat de circonstances aggravantes. Dans cet article, nous mentionnerons les évolutions légales qui ont eu lieu ces dernières années ainsi que les solutions et recours qui s’offrent aux victimes. En outre, nous apprendrons à identifier clairement ce mécanisme malheureusement fréquent.

Car le harcèlement moral est un fléau aux multiples visages. Il englobe la discrimination, le sexisme, la dispense d’activité (“mettre au placard” comme on le dit vulgairement), la charge exagérée de travail, le harcèlement sexuel ou encore l’acharnement psychologique gratuit. En bref, tout acte malveillant et répétitif visant à dégrader durablement les conditions d’exercice.

Comment prouver le harcèlement moral ? Que faut-il savoir avant de saisir les Prud’hommes ou d’entamer un procès au pénal ? Nous allons aujourd’hui tenter de répondre à ces questions. Les réponses seront illustrées d’exemples concrets qui vous permettront de mieux appréhender ce phénomène et d’y répondre.

Mieux comprendre le harcèlement moral à travers des exemples

Le général chinois Sun Tzu, expert en stratégie militaire disait souvent : “Qui ne connaît ni l’autre ni lui-même perdra inéluctablement toutes les batailles”. Pourquoi ne pas faire confiance à cet enseignant d’exception et s’intéresser de plus près à ce qu’est le harcèlement moral ?

Le harcèlement moral dans les faits

Prenons trois exemples concrets afin de visualiser ce qu’est la violence psychologique en entreprise.

Le cas de Marie, salariée dans la grande distribution

Marie est en CDI dans une célèbre enseigne. Son supérieur voudrait la voir partir mais ne trouve aucun motif de licenciement. Il multiplie les critiques injustifiées, les ordres contradictoires, les convocations. Il l’accuse oralement de fautes qu’elle ne commet pas. Change ses plannings sans la prévenir afin de l’induire en erreur et pouvoir caractériser l’absentéisme injustifié. Prendre en photo le planning affiché dans l’entrée est pour elle la seule manière de se défendre.

Petit à petit, elle devient agressive et se voit reprocher son comportement. Son médecin l’arrête pour plusieurs mois mais la situation perdure. Certains de ses collègues font mine d’ignorer la situation, d’autres se rangent du côté de la hiérarchie. Difficile de trouver des témoignages écrits dans ces circonstances. Elle finit par céder et demande une rupture conventionnelle.

Le cas de Sihem Souid, auteure de Omerta dans la police

Tout au long de son témoignage, Sihem Souid relate des faits de sexisme, de racisme et d’homophobie. Elle a tout d’abord été employée dans la sécurité aéroportuaire, puis fonctionnaire de police. Les remarques désobligeantes entre collègues sont une tradition. Les pressions hiérarchiques pour faire du chiffre sont tout aussi fréquentes ce qui entraîne un mal-être chronique chez les policiers. Les autorités restent sourdes à ce problème, jusqu’à ce qu’elles soient publiquement dénoncées.

Mme Souid a été récemment relaxée pour les faits de violation du devoir de réserve dont elle se serait rendue coupable en publiant son livre. Elle a toutefois été exclue 18 mois de la fonction publique.

William Réjault dénonce les EHPAD

Dans ses livres Quel beau métier vous faites ! et Maman, est-ce que ta chambre te plaît ?, cet infirmier consciencieux décrit les cadences infernales qui obligent les soignants à maltraiter leurs patients. Il parle de la pression extrême supportée par les personnels les plus précaires, qui devaient parfois aller nettoyer une cave empoussiérée ou nettoyer les sanitaires à main nue en guise de punition. Des crises de nerfs quotidiennes de leur chef, qui terrorise les aides-soignantes. Des restrictions budgétaires injustifiées qui dégradent durablement les conditions de travail. Ou encore des sanctions abusives prises à l’encontre de celles qui se plaignent.

Il évoque aussi cette boule au ventre qui le taraude lorsqu’il va travailler. Et commence son témoignage par un événement qui aurait pu entraîner le décès de tous les résidents : une fuite de gaz conséquente d’un défaut d’entretien, considéré comme une dépense superflue.

Définition juridique et lois en vigueur

Commençons par évoquer l’article L1152-1 du Code du Travail. Il y est très clairement dit qu’”aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral […]”.

Une succession d’actes inconvenants

Pour bien comprendre ce qu’est le harcèlement moral, nous ferons allusion à l’arrêt n°17-82.649 rendu par la Chambre Criminelle de la Cour de Cassation, le 19 juin 2018. Ainsi :

– l’abus de pouvoir,

– “une manière de parler déplacée et inappropriée”,

– une “attitude, [des] gestes et cris inadaptés”

caractérisent effectivement le harcèlement moral.

Le harcèlement moral institutionnel

Depuis le 20 décembre 2019, il existe un délit de “harcèlement moral institutionnel” : c’est le motif pour lequel France Télécom et trois de ses dirigeants ont été lourdement condamnés. L’enquête a établi que la gestion des effectifs était menée en vue d’obtenir 20 000 départs volontaires. Dans cette situation, on se servait du harcèlement moral comme outil pour pousser les salariés vers la sortie. Ces méthodes de management ont causé le suicide de plusieurs employés.

Les propose à caractères sexistes

Le sexisme est lui aussi considéré comme du harcèlement moral : l’article 11 de la loi n°2018-703 du 3 août 2018, plus connue sous le nom de loi Schiappa, précise l’article 222-33-2 du Code Pénal (cité en introduction). Contrairement à ce qui était inscrit dans la loi précédente, les auteurs ne doivent plus nécessairement se concerter pour que l’infraction soit constituée. Il suffit d’agir de manière répétitive et collective pour obtenir la reconnaissance du facteur aggravant.

L’article 12 souligne par ailleurs que le fait de harceler quelqu’un en ligne est également un facteur aggravant.

Les moyens de lutte mis en oeuvre ont encore évolué avec le décret n°2020-256 du 13 mars 2020 relatif au dispositif de signalement des actes de violence, de discrimination, de harcèlement et d’agissements sexistes dans la fonction publique. Son article 8 oblige les employeurs et les organismes de la fonction publique à mettre à la disposition de leurs salariés un dispositif de signalement des violences. Ce dispositif doit garantir l’anonymat de ses utilisateurs et être opérationnel à compter du 1 mai 2020.

En résumé, nous dirons simplement que le harcèlement moral est un ensemble de faits portant atteinte à l’avenir professionnel, à la dignité et à la santé du salarié.

Pour faire cesser ce type d’agissements, il faut dans un premier temps en prendre conscience, puis organiser efficacement sa défense.

Comment prouver le harcèlement moral ?

L’article 3 de la loi n°2000-230 se référant à l’article 1316-3 du Code Civil explique que désormais, “l’écrit sur support électronique a la même force probante que l’écrit sur support papier”. Toute forme de preuve écrite est donc admise : courriers, lettres, SMS, emails, échanges par messagerie privée ou par les réseaux sociaux. Ces quelques conseils vous seront utiles.

Que faire lorsqu’il survient au travail ?

Le harcèlement moral est une addition d’actes difficiles à détecter et très sournois. Il se met en place progressivement et se caractérise par sa permanence dans le temps.

  1. Laisser des traces écrites

Votre salaire a été réduit, votre treizième mois supprimé ? Votre planning est modifié à la dernière minute, il vous est impossible de vous organiser. Le Code du Travail demande pourtant aux entreprises de fournir un emploi du temps écrit sept jours à l’avance, parfois moins selon les Conventions collectives. Dans tous les cas, le délai doit être supérieur à trois jours.

Faites des courriers datés et signés, où vous mentionnez explicitement le problème et sommez l’employeur d’y remédier. N’oubliez pas de faire des photocopies et d’en conserver un exemplaire en vue d’une judiciarisation de l’affaire.

  1. Demander l’aide des délégués du personnel

Ils peuvent en effet être à l’origine d’une expertise CHSCT (autorisée par l’article 4612-5 du Code du Travail). Les consultants du Comité d’Hygiène, de Sécurité et des Conditions de Travail viendront analyser la qualité de vie au sein de l’entreprise. En parallèle, ils rechercheront les facteurs susceptibles de nuire au bien-être des salariés. Cette démarche est pertinente pour prévenir les risques de harcèlement moral ou répondre à un événement déjà survenu.

Les délégués du personnel peuvent de plus assister aux entretiens avec votre hiérarchie. Ils constituent un soutien moral. Leur présence limite souvent les dérives : n’hésitez pas à leur demander de témoigner par écrit.

  1. Voir régulièrement le même médecin

En dehors des preuves écrites nécessaires pour saisir la justice, le plus important sera de consulter régulièrement un médecin, qui dans un premier temps, vous accompagnera psychologiquement et dans un second temps, identifiera les séquelles occasionnées par les violences morales dont vous êtes victime.

Mentionnez les agissements dont vous êtes l’objet auprès du médecin du travail. Il gardera une trace de vos échanges dans votre dossier médical, ce qui s’avérera fort utile en cas d’arrêt-maladie ultérieur.

Dernière arme à votre disposition : l’inspection du travail. Pour déclencher un contrôle, adressez une lettre A/R à l’Inspection du Travail de votre secteur. Les agents qui la réceptionnent ont un certain devoir de confidentialité. Ils sont tenus d’y répondre et de vérifier la bonne application du droit du travail, comme l’indique l’article 8112-1 du Code du Travail. L’idéal dans ce cas est d’avoir préalablement réuni des preuves écrites et de pouvoir les joindre au courrier d’alerte.

Ce qu’il faut savoir avant de saisir la justice

Cet article vous fait prendre conscience que vous êtes victime de harcèlement moral ? Voici les deux alternatives juridiques existantes : attaquer votre agresseur au civil ou au pénal. Au civil, c’est-à-dire au Conseil des Prud’hommes, votre objectif est alors de percevoir des dommages et intérêts. La finalité du pénal est plutôt de faire punir l’autre partie et faire reconnaître votre statut de victime.

L’employeur doit prouver qu’il ne vous harcèle pas

C’est ce que l’on appelle la présomption d’actes constitutifs de harcèlement moral, soulignée par l’article L1154-1 du Code du Travail.

L’arrêt n°07-43219 rendu par la Cour de Cassation, Chambre Sociale du 30 avril 2009 ajoute que désormais, “le salarié n’est tenu d’apporter que des éléments qui permettent de présumer l’existence d’un harcèlement moral”. Présumer signifiant réunir un faisceau de faits indirects qui laisseront penser au juge que le harcèlement moral est caractérisé malgré l’absence de preuves.

Pour maximiser les chances de voir ses démarches réussir, il est conseillé au demandeur, ici, la victime de harcèlement, de contacter un avocat spécialisé en droit du travail.

Un avocat n’est pas obligatoire dans le cadre d’une procédure aux Prud’hommes

Toutefois, il le devient si l’on porte l’affaire devant une Cour d’Appel.

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Il est important de savoir qu’aujourd’hui la loi Travail permet une présentation plus aisée des preuves, ce qui simplifie les démarches du demandeur. En effet, Emmanuel Macron a réformé le Code du Travail en 2019. 117 mesures sont entrées en vigueur cette année-là.

À cette occasion, certaines formulations semblent avoir été modifiées. “Lorsque survient un litige relatif à des agissements de harcèlement moral dont il se prétend victime, le salarié établit des faits qui permettent de présumer l’existence d’un harcèlement est par exemple devenu ”Lorsque survient un litige relatif à des agissements de harcèlement moral dont il se prétend victime, le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l’existence d’un harcèlement.

Où déposer plainte en cas de harcèlement moral ?

Si vous souhaitez entamer une procédure auprès du Conseil des Prud’hommes, il faudra remplir et envoyer A/R (ou déposer) le cerfa 15586*07. En voici la notice. Vous ignorez l’adresse du CPH le plus proche ? N’attendez plus pour consulter l’annuaire mis en place par le Ministère de la Justice.

Si au contraire vous envisagez d’attaquer au pénal, deux solutions s’offrent à vous. Il faudra soit aller déposer plainte au commissariat ou en gendarmerie, soit adresser un courrier recommandé avec Accusé de Réception au Procureur de la République du TGI où ont eu lieu les faits.

Vous devrez y joindre toutes les preuves écrites en votre possession ainsi que les témoignages des collègues et délégués syndicaux.

En l’attente, la DIRECCTE (Direction Régionale des Entreprises, de la Concurrence, du Travail et de l’Emploi) de votre lieu de résidence vous orientera plus finement quant aux formalités à effectuer. Rapprochez-vous-en sans tarder.

Harcèlement moral : Arrêt-maladie ou accident du travail ?

Le mal-être en entreprise et le harcèlement moral laissent des séquelles parfois lourdes. Ils sont la cause de dizaines de milliers d’arrêts médicalement justifiés chaque année. Deux jurisprudences vont dans ce sens :

Arrêt n°02-30.576 de la Cour de Cassation, 2ème chambre civile du 1e juillet 2003 : un chef de poste de la société Condat est victime de harcèlement moral. La CPAM refuse de reconnaître le lien entre les violences en entreprise et la dépression nerveuse diagnostiquée. Monsieur X en avait pourtant été affecté au sortir d’un entretien avec ses supérieurs.

La Cour de Cassation condamne finalement la CPAM à verser 2 000€ de dommages et intérêts au demandeur et à considérer l’arrêt-maladie comme un accident du travail.

Arrêt de Cour de Cassation n°05-13.771, 2e Chambre Civile, 22 février 2007 : un employeur surcharge son subordonné de tâches à effectuer. Cela entraîne d’une part une erreur professionnelle, d’autre part des troubles de la santé (dépression, tentative de suicide).

Le demandeur est en arrêt de travail. Il est finalement reconnu accidenté du travail et 2 000€ de dommages et intérêts lui sont alloués. Le défendeur doit aussi verser 2 000€ à la CPAM. Une faute grave lui est imputée puisqu’il n’a pas été en mesure de répondre à l’obligation de sécurité inhérente aux employeurs.

Vous l’aurez compris, il est possible de faire reconnaître les conséquences du harcèlement moral en entreprise. La maladie professionnelle est parfois retenue lorsque l’état de santé d’une victime de burn-out ou de dépression est durablement altérée.

Conclusion

Victimes de harcèlement moral, toutes les cartes sont entre vos mains. Employeurs, anticipez. Évaluez les risques de troubles psychosociaux au sein de votre entreprise grâce au RPS-DU, proposé par l’Assurance Maladie. Cet outil téléchargeable vous permettra de prendre les mesures nécessaires à la sécurité physique et psychologique de vos salariés, comme l’exige l’article 4121-1 du Code du Travail.

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