Le redressement judiciaire : procédure et conséquences
Selon une première estimation de l’INSEE, le PIB français aurait chuté de 5,8% au premier trimestre 2020. Face à cette situation économique, nombreuses sont les entreprises à éprouver des difficultés financières. Pour autant, le droit français ne les délaisse pas et prévoit différentes procédures pour faire face à de telles situations. Parmi elles, la plus connue est celle du redressement judiciaire. Issu de la loi du 25 janvier 1985, le redressement judiciaire s’avère être d’une aide précieuse à la résolution de certaines situations. Mais alors, quelle est la procédure à suivre ? Quelles en sont ses conséquences ?
Quels sont les objectifs de la procédure de redressement judiciaire ?
La procédure de redressement judiciaire est ambitieuse. En effet, elle cherche à concilier plusieurs objectifs pour satisfaire le plus de parties prenantes possible. Ces objectifs sont au nombre de 3 : permettre la poursuite de l’activité de l’entreprise, maintenir l’emploi et apurer le passif.
Quelles sont les conditions requises pour déclencher la procédure de redressement judiciaire ?
Le redressement judiciaire ne s’adresse pas à tous. Par exemple, si un particulier est dans une situation de surendettement, il s’agit d’un plan conventionnel de redressement. Ainsi, le redressement judiciaire va concerner les commerçants, les professions libérales et les entreprises.
De plus, la procédure du redressement judiciaire revêt un caractère subsidiaire. En effet, le redressement judiciaire intervient si la procédure de sauvegarde n’est plus possible. Concrètement, il faut que l’entreprise soit déjà en cessation de paiement, ou que ses difficultés soient jugées insurmontables pour déclencher le redressement judiciaire.
La procédure de redressement judiciaire a donc vocation à permettre la continuation de l’activité en cas de difficultés sérieuses.
Cette idée de cessation des paiements se trouve au cœur de la procédure de redressement judiciaire. On retrouve d’ailleurs clairement cette notion dans l’article L631-1 du Code du Commerce .
Il revient alors au dirigeant de la société de déclarer sa cessation de paiement au greffe du tribunal sous 45 jours. Cela lui permet ensuite de solliciter la procédure de redressement judiciaire. Si le dirigeant refuse de le faire et que le passif a augmenté en conséquence, il encourt une interdiction de diriger l’entreprise.
Quelles est la procédure à suivre en cas de redressement judiciaire ?
L’ouverture de la procédure
Comme évoqué auparavant, le dirigeant de l’entreprise peut lui-même ouvrir la procédure lorsqu’il déclare sa cessation de paiement. Toutefois, il n’est pas la seule personne susceptible d’ouvrir la procédure de redressement judiciaire : le créancier et le procureur de la République peuvent également le faire. Une seule condition s’impose à eux : l’absence de procédure de conciliation en cours.
La procédure de redressement judiciaire est ouverte devant le tribunal couvrant la zone géographique dans laquelle l’entreprise se situe. Il s’agira du tribunal de commerce si elle concerne un commerçant ou un artisan. Autrement, il s’agira du tribunal judiciaire.
L’ouverture n’est cependant pas immédiate ! Le tribunal va devoir étudier le dossier du débiteur qui lui est soumis et décider ensuite de l’ouverture. Cette décision est susceptible d’appel sous 10 jours par le débiteur, le créancier partie ou le Procureur de la République.
Attention, à ce moment, le tribunal peut considérer que l’entreprise ne peut être sauvée. Il demande alors au débiteur de faire part de ses observations concernant une éventuelle liquidation judiciaire.
L’ouverture de la procédure de redressement judiciaire a un effet suspensif sur les autres procédures. Cet effet concerne également une partie du coût relatif aux intérêts et aux majorations.
Quelles sont alors les différentes phases de la procédure de redressement judiciaire ?
La période d’observation
Tout d’abord, une fois que le tribunal a daté la cessation des paiements, s’ouvre une période d’observation. Cette dernière est de 6 mois par défaut, mais peut durer jusqu’à 12 mois en cas de renouvellement. Il s’agit d’une phase d’analyse de l’activité pour dresser par la suite un bilan économique et social.
C’est l’administrateur judiciaire qui établit ce bilan. Selon les circonstances, son rôle est plus ou moins important. Soit il assiste le dirigeant dans tous les actes de gestion, soit il assume seul l’administration globale de l’entreprise.
Durant cette période, les licenciements font l’objet de restrictions légales. En effet, seuls les licenciements économiques considérés comme urgents, indispensables et inévitables peuvent avoir lieu. Ils doivent cependant être autorisés par le juge-commissaire qui en fixe le nombre et les activités concernées.
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Une fois la période d’observation arrivée à échéance, plusieurs conclusions peuvent en être tirées. Dans le meilleur des cas, il peut s’avérer que le dirigeant dispose des fonds nécessaires pour régulariser sa situation. Cela permet alors de clore la procédure. Toutefois, la procédure de redressement judiciaire peut avoir d’autres conséquences bien plus pénibles !
Le plan de redressement
Il se peut aussi que l’entreprise soit considérée comme viable, ce qui débouche sur un plan de redressement d’une durée maximale de 10 ans. L’objectif est de réorganiser l’entreprise pour rembourser les créanciers et assurer sa pérennité. Le bilan rédigé par l’administrateur judiciaire sert généralement de base à ce plan de redressement.
Une fois établi, le plan doit être présenté à un comité de créanciers qui examinera chacune des propositions. Ce comité est obligatoire lorsque l’entreprise en question remplit certaines conditions, à savoir si elle possède 150 salariés minimum, un chiffre d’affaire de plus de 20 millions d’euros et des comptes certifiés.
Les créanciers peuvent également proposer un plan de redressement concurrent à celui du débiteur. Ce plan peut prévoir le départ de certains dirigeants ou encore des licenciements, supervisés par le juge.
Le plan de cession
Parfois, la situation est plus délicate et demande des changements plus radicaux. La période d’observation peut déboucher sur un plan de cession prévoyant la reprise totale ou partielle par un tiers. A ce sujet, l’article L. 642-1 du Code du Commerce dispose que la cession a vocation à « assurer le maintien d’activités susceptibles d’exploitation autonome, de tout ou partie des emplois qui y sont attachés et d’apurer le passif ».
C’est au tribunal de statuer si un plan de cession est concevable, puis de fixer un délais dans lequel les offres de reprise sont possibles. Attention, certaines personnes ont l’interdiction de proposer une offre. C’est le cas des dirigeants de droit, de l’entreprise en liquidation et des parents ou alliés du débiteur physique. Une fois l’offre reçue, le tribunal statue après avoir entendu l’avis du ministère public et celui du débiteur, du liquidateur et des représentants du comité d’entreprise.
La liquidation judiciaire
Enfin, les circonstances peuvent être telles que la survie de l’entreprise n’est plus possible. La période d’observation conclut alors à la nécessité d’une liquidation judiciaire. La procédure de redressement judiciaire se transforme alors en procédure de liquidation judiciaire. Les conséquences sont radicales : l’activité est stoppée, le gérant est dessaisi de ses fonctions, les autres poursuites sont bloquées, tous les contrats de travail sont rompus et les créances deviennent immédiatement exigibles. Un liquidateur judiciaire est alors mandaté pour mener à bien la liquidation. Il est en charge de gérer l’entreprise, vérifier les créances, effectuer la vente des biens et procéder aux éventuels licenciements. Le bon déroulement de la procédure revient cependant à un juge-commissaire.
Le tribunal clôture la liquidation dès lors que le passif exigible a été remboursé ou que le remboursement intégral devient impossible lorsque les actifs sont insuffisants. La clôture de la liquidation a pour effet de supprimer la personnalité morale de la société.
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Quelles aides pour éviter la procédure de redressement judiciaire, voire de liquidation judiciaire ?
Dans ce genre de situation, le dirigeant peut tout de même bénéficier de certaines aides. On a pu particulièrement le voir en ces temps de Covid où l’Etat intervient significativement dans la sauvegarde des entreprises.
Les aides traditionnelles
Structurellement, la procédure de redressement judiciaire n’est pas significative d’une absence d’aide. Au contraire, la procédure de redressement judiciaire traduit, contrairement à la liquidation judiciaire, une possibilité d’amélioration de la situation. Cela peut se faire notamment par la mise en place de certaines facilités.
Parmi elles, il y a le maintien de la possibilité pour l’entreprise de contracter des crédits. En effet, la Médiation nationale du crédit assiste parfois des sociétés en redressement judiciaire. Ces prêts peuvent même être accordés, sous certaines conditions, par la Commission interministérielle de restructuration industrielle (Ciri). On retrouve ce principe d’assistance au niveau local avec le Comité départemental d’examen des problèmes de financement des entreprises (Codefi). Le Codefi propose même un service de médiation et d’audit pour aider les entreprises.
De plus, le paiement de certaines taxes fiscales peut faire l’objet d’un report pour faire face aux difficultés de l’entreprise. Le report de tout paiements fiscaux passe par la saisie de la Commission des chefs des services financiers. Cette Commission peut également statuer sur une une remise des majorations et des pénalités de retard, ce qui représente un avantage non négligeable.
Les aides conjoncturelles
Pour faire face au Covid, l’économie a dû connaître une période de confinement, véritable pause dans l’activité économique qui a pu se ressentir sur la trésorerie des entreprises. La hausse des redressements judiciaires, voire des liquidations, s’est donc vite fait craindre. Pour cause, le nombre de liquidation judiciaire a été multiplié par trois dans certaines zones.
Le gouvernement a donc mis en place des dispositifs exceptionnels pour épargner aux entreprises le redressement judiciaire. On peut citer les mesures relatives au chômage partiel, pour limiter les licenciements, mais aussi et surtout la mise en place de prêts garantis par l’Etat. Le but est alors de permettre aux entreprises de faire face à leurs dépenses et d’éviter la cessation de paiement.
Quels que soient le type et la taille de l’entreprise, le prêt demeure possible. De plus, même en cours de redressement judiciaire (et pas seulement avant), l’entreprise peut bénéficier de cette disposition. Le remboursement s’effectue alors entre la première et la cinquième année suivant l’octroi du prêt.