Licenciement économique : formalités et spécificités
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Licenciement économique : formalités et spécificités

Les crises économiques font toujours craindre une hausse des licenciements économiques. En droit français, cette notion correspond à des circonstances bien précises : une simple baisse du chiffre d’affaire ne saurait la justifier ! De plus, une procédure particulière doit être respectée et certains acteurs doivent être consultés.

Mais alors ? Quelles sont les situations justifiant un licenciement économique ? A qui s’adresser pour mener une telle procédure ? A quelles obligations l’entreprise demeure-t-elle soumise ? Quelles sont les démarches administratives à effectuer ? Qu’en est-il du contrôle de l’Etat ? Face à de telles questions, un petit rappel sur les conditions et les formalités à respecter semble pertinent…

 

Les principes valables pour tout type de licenciement

Au fil des réformes du droit du travail, deux principes ont émergé et demeurent d’actualité. Premièrement, les représentants du personnel (rassemblés maintenant dans le comité social et économique) sont devenus un acteur incontournable. Ils sont le porte-parole de l’intérêt collectif en matière d’emploi.

L’autre principe est celui de la stabilité de l’emploi. Cela change alors radicalement la vision du licenciement (alors perçu comme ultime recours). Le licenciement n’a lieu qu’en cas d’impossibilité de maintien de l’emploi (ce qui suppose que le reclassement soit impossible).

 

Quelles sont les spécificités du licenciement économique ?

Pour information, deux textes régissent le licenciement économique telle qu’il est envisagé actuellement. Le premier est la loi relative au travail, à la modernisation du dialogue social et à la sécurisation des parcours professionnels. Le deuxième texte est l’ordonnance n°2017-1718 du 20 décembre 2017.

Aujourd’hui, le licenciement économique est défini par l’article L. 1233-3 du Code du travail. Cet article dispose que « constitue un licenciement pour motif économique le licenciement effectué par un employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié résultant d’une suppression ou transformation d’emploi ou d’une modification, refusée par le salarié, d’un élément essentiel du contrat de travail ».

 

Quels sont les motifs valables pour un licenciement économique ?

Ce même article L. 1233-3 du Code du travail dresse une liste des motifs justifiant un licenciement économique. Que ce soit donc pour une suppression d’emploi, une mutation d’emploi ou un refus du changement de la part du salarié, penchons-nous sur les causes en elles-mêmes du licenciement économique.

 

Les difficultés économiques

Ces dernières doivent se traduire par une baisse significative d’un indicateur économique. Cette baisse est jugée significative dès lors qu’elle représente un certain nombre de trimestres de l’année dernière. Ce nombre de trimestres est fonction de la taille de l’entreprise (ici, exprimée en nombre de salarié). L’article détaille ces chiffres.

 

Les mutations technologiques

Les nouvelles technologies transforment l’univers professionnel en profondeur. Cela peut se traduire par une modernisation de certains emplois et donc par une baisse du besoin de main d’œuvre humaine. Dans un milieu concurrentiel, l’entreprise n’a donc pas intérêt à préserver des emplois pouvant être accomplis par des dispositifs technologiques.

Attention cependant ! L’employeur doit toujours essayer de former ses employés via ce qu’on appelle le devoir d’adaptation. Le licenciement économique est alors justifié dès lors que l’employé n’arrive pas à s’adapter.

En droit français, le licenciement économique pour mutations technologiques n’est pas subordonné à la sauvegarde de la compétitivité de l’entreprise. Pour preuve, le 9 octobre 2002, la Cour de Cassation a considéré que « l’introduction d’une technique informatique nouvelle comportant une incidence sur l’emploi constitue une cause économique de licenciement alors même que la compétitivité de l’entreprise ne serait pas menacée ».

 

La réorganisation de l’entreprise nécessaire à la sauvegarde de la compétitivité

Cette notion renvoie à la nécessité pour l’entreprise de justifier le licenciement économique dans le but d’améliorer son fonctionnement. L’objectif n’est donc pas de créer des gains supplémentaires ou de faire des économies.

Une telle réorganisation peut porter sur une harmonisation des conditions de travail ou encore sur une évolution de la production. Le but est que l’entreprise demeure concurrentielle et perdure dans le temps !

C’est ce motif qui permet aux entreprises qui dégagent des profits, mais dont la compétitivité est menacée, de pourvoir licencier. Il suffit que l’entreprise anticipe des difficultés sérieuses pour que le licenciement économique soit valable. Cela permet d’éviter des licenciements plus nombreux si la situation s’aggraverait et que l’entreprise ne pourrait s’adapter en conséquence. En revanche, les juges doivent pouvoir caractériser l’existence d’une menace pesant sur la compétitivité du groupe auquel appartient l’entreprise.

 

La cessation d’activité de l’entreprise

La cessation d’activité constitue un motif valable de licenciement dès lors qu’elle n’est pas la conséquence de la faute de l’employeur, ou de sa légèreté blâmable. Cette cessation doit également être définitive, et non pas temporaire.

 

L’obligation de reclassement lors d’un licenciement économique

L’ordonnance du 20 décembre 2017 a modifié l’article L.1233-4 du Code du Travail. Par conséquent, ce dernier dispose que « le licenciement pour motif économique d’un salarié ne peut intervenir que lorsque tous les efforts de formation et d’adaptation ont été réalisés et que le reclassement de l’intéressé ne peut être opéré sur les emplois disponibles, situés sur le territoire national dans l’entreprise ou les autres entreprises du groupe dont l’entreprise fait partie […] ».

Concrètement, l’obligation de reclassement oblige l’employeur à proposer aux salariés que le licenciement concernerait un poste compatible avec leur qualification.

Cette obligation demeure quel que soit le nombre d’employés concernés. Elle doit également comprendre une rémunération équivalente à l’emploi. Si le salarié y consent, ce dernier peut être reclassé à un emploi d’une catégorie inférieure. Le salarié a toujours le droit de refuser le reclassement puisqu’il s’agit d’une modification substantielle du contrat de travail.

Face à cette obligation, l’employeur a l’obligation de moyen, mais pas de résultat. Il doit également faire preuve de loyauté (ex : ne pas proposer d’emplois de catégorie inférieure alors que d’autres sont disponibles).

En cas de non-respect de la part de l’employeur d’une telle obligation, le licenciement peut être prononcé, selon les circonstances, soit nul, soit sans cause réelle et sérieuse.

 

Quelles sont les procédures de licenciement économique ?

En fonction du nombre de salariés licenciés et du nombre de salariés dans l’entreprise, on distingue plusieurs procédures de licenciement économique.

Lorsque le licenciement concerne une seule personne sur trente jours, le licenciement économique est dit individuel. Si au moins deux salariés sont licenciés en trente jours, le licenciement est alors collectif.

En cas de licenciement économique individuel, c’est la procédure de droit commun des licenciements qui s’applique avec quelques modifications au niveau des délais. La procédure de licenciement collectif, quant à elle, se compose de trois phases.

 

Phase 1 : La consultation des représentants du personnel

C’est l’étape incontournable pour tout licenciement économique collectif ! Si les représentants du personnel ne sont pas consultés, le licenciement sera irrégulier. De plus, les salariés auront le droit à une indemnité minimale d’un mois de salaire brut.

Lorsque le licenciement concerne entre 2 et 9 salariés sur 30 jours, l’employeur doit convoquer le comité social et économique et l’avoir mis au courant du projet de licenciement. L’avis rendu par le comité ne lie pas l’employeur. Ce dernier peut alors convoquer les salariés pour un entretien préalable au licenciement.

 

Phase 2 : La détermination de l’ordre des licenciements

Si l’entreprise décide de licencier pour motif économique, encore faut-il déterminer quels sont les salariés concernés. En Suède, au Royaume-Uni, aux Etats-Unis, ce sont les derniers employés arrivés qui partent les premiers.

Le droit français donne à l’employeur un rôle plus important. Ainsi, en l’absence de conventions collectives sur le sujet, l’employeur doit déterminer des critères sur lesquels va se fonder le licenciement. Ces critères sont fixés, à défaut de conventions collectives, après la consultation du comité social et économique.

D’après l’article L. 1233-5 du Code du Travail, les critères doivent prendre en compte la charge de famille, l’ancienneté, les qualités professionnelles, etc… Cette liste n’est pas limitative et aucune hiérarchie n’est faite entre ces critères.

Cependant, le choix des salariés licenciés ne doit pas être discriminatoire ! L’employeur ne peut pas non plus définir le coût que représente chaque employé en tant que critère de licenciement. De même, le travail à temps partiel ne peut pas non plus constituer un tel critère.

Si le non-respect de ces critères ne rend pas le licenciement sans cause réelle et sérieuse, le salarié lésé peut cependant réclamer des dommages et intérêts. Pour vérifier le respect de ces critères, le salarié est en droit de les demander à l’employeur. En cas de refus de ce dernier, d’autres indemnités peuvent se cumuler aux premières évoquées auparavant.

 

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Phase 3 : La notification des licenciements

Dans le cas où entre 2 et 9 salariés sont licenciés dans les trente jours, la lettre de notification du licenciement économique ne peut être envoyée moins de 7 jours ouvrables après l’entretien préalable. Lorsque le licenciement concerne des cadres, ce délais passe à 15 jours ouvrables.

Si le licenciement économique est plus important (entre 10 et 100 salariés), les lettres de licenciement ne peuvent être envoyées moins de 30 jours après le jour de la notification du projet de licenciement. Les modalités sont prévues par l’article L. 1233-39 du Code du Travail.

Quel que soit le nombre de salariés licenciés, la lettre de notification de licenciement économique doit être motivée. L’employeur doit y figurer les motifs économiques sur lesquels il fonde sa décision ainsi que la priorité de réembauchage.

 

Qu’en est-il du plan de sauvegarde de l’emploi (PSE) ?

Lorsque le licenciement concerne plus de 10 salariés en moins de trente jours dans des entreprises de plus de 50 salariés, l’employeur a deux obligations supplémentaires. Premièrement, il doit notifier son projet de licenciement à l’autorité administrative. Deuxièmement, selon l’article L. 1233-61 du Code du travail, il doit proposer un plan de sauvegarde de l’emploi.

S’il y a moins de 1000 salariés dans l’entreprise, un contrat de sécurisation professionnelle peut être mis en place. Il concerne chaque salarié et a pour objectif de faciliter le retour à l’emploi. Si le salarié accepte, cela rompt le contrat de travail.

Si l’entreprise a plus de 1000 salariés, l’employeur doit proposer un congé de reclassement. L’objectif est de permettre au salarié de définir son projet professionnel.

Le PSE se négocie soit avec les partenaires sociaux et prend la forme d’un accord majoritaire, soit il fait l’objet d’une décision unilatérale. Il met en place des actions dans le but de reclasser les salariés, de créer de nouvelles activités, etc… On y trouve aussi des actions de formation ou des mesures d’aménagement du temps de travail.

Le PSE fixe également les modalités de suivi des actions qu’il contient. Ce sont l’employeur, le comité social et économique et l’administration qui effectuent ce suivi.

Le rôle de l’administration n’est pas à négliger dans le PSE. En effet, tout employeur tenu à un RSE doit de le transmettre à la Direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de de l’emploi (Direccte).

La Direccte vérifie la conformité de la procédure de consultation des représentants du personnel. Toutefois, elle va surtout avoir la charge d’homologuer (accepter) ou non le PSE. En cas de refus d’homologation, l’employeur peut soit présenter un nouveau PSE soit faire un recours devant un tribunal administratif.

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