Prud’hommes : le jeu en vaut-il la chandelle ?
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Prud’hommes : le jeu en vaut-il la chandelle ?

Chaque année, les Prud’hommes doivent traiter environ 120 000 nouvelles affaires. Pour cause, le contrat de travail peut être l’objet de nombreux contentieux ! Licenciements sans cause réelle et sérieuse, rémunération, temps de travail… nombreux sont les points potentiellement litigieux.

Ainsi, tous les salariés de droit privé sont susceptibles de s’engager dans une procédure contentieuse concernant leur contrat de travail. Ce dernier étant spécifique, notamment du fait du lien de subordination qu’il implique, un organe juridictionnel s’y consacre pleinement : c’est le Conseil de Prud’hommes.

Cependant, la démarche à suivre pour l’employé peut s’avérer dissuasive ! En effet, comment comprendre ce qui relève du contrat de travail ? Quelles sont les spécificités du droit du travail ? Comment se déroule la procédure ? Combien coûte-t-elle ? Quelles indemnités est-il possible de percevoir ? Toutes ces interrogations sont légitimes, essayons alors d’y voir un peu plus clair…

 

Les Prud’hommes, qu’est-ce que c’est ?

Quelle compétence ?

Les Prud’hommes sont une juridiction de premier degré en charge de trancher les litiges portant sur l’exécution du contrat de travail. C’est donc la juridiction que l’une des parties peut directement saisir en cas de contentieux sur un des éléments traités par le contrat de travail. Si ce dernier doit relever du droit privé, il est possible que des agents publics qui travaillent dans des conditions relevant du droit privé puissent également y recourir.

Attention cependant ! Le conseil de Prud’hommes est compétent tant que le litige demeure individuel. Lorsque ce dernier devient collectif (lors de plusieurs licenciements par exemple), la compétence revient au tribunal de grande instance.

 

Quelle composition ?

Le conseil de Prud’hommes est composé de juges. Ces derniers sont appelés conseillers Prud’homaux et ne sont pas forcément juge de profession. Depuis 2016, les conseillers Prud’homaux sont désignés par les ministres de la Justice et du Travail pour 4 ans. Ils sont préalablement proposés par les organisations syndicales d’employés et d’employeurs. Nous le verrons plus tard, mais un juge professionnel départiteur peut intervenir lorsque la procédure l’exige.

Le conseil se divise en sous-section selon les types de professions faisant l’objet du contentieux. Une des sections se charge spécialement des référés.

 

Quelle garantie ?

Le conseil de Prud’hommes, en tant que juridiction, doit répondre à certaines obligations. Premièrement, une obligation de neutralité, comme l’article L. 1421-2 du Code du travail le rappelle : « les conseillers Prud’hommes exercent leurs fonctions en toute indépendance, impartialité, dignité et probité et se comportent de façon à exclure tout doute légitime à cet égard. Ils s’abstiennent, notamment, de tout acte ou comportement public incompatibles avec leurs fonctions ».

Une autre obligation, gage d’une justice effective, peut aussi être relevée : celle du statut des conseillers. Comme le dispose l’article évoqué ci-dessus, les conseillers Prud’homaux « sont tenus au secret des délibérations. Leur est interdite toute action concertée de nature à arrêter ou à entraver le fonctionnement des juridictions lorsque le renvoi de l’examen d’un dossier risquerait d’entraîner des conséquences irrémédiables ou manifestement excessives pour les droits d’une partie ».

De quoi être rassuré quant à la fiabilité du jugement !

 

A lire aussi : Le Conseil de Prud’hommes

Quelles sont les procédures possibles aux Prud’hommes ?

Devant le conseil de Prud’hommes, on distingue la procédure ordinaire de la procédure extraordinaire. Cela va dépendre du type de contentieux.

 

La procédure ordinaire

Lorsqu’un contentieux apparaît concernant les dispositions d’un contrat de travail de droit privé, la personne lésée doit déposer une assignation au secrétariat greffe.

 

La phase de conciliation

Dans la plupart des cas, il existe une première phase de conciliation. Elle a lieu devant le Bureau de conciliation et d’orientation, composé d’un juge Prud’homal employeur et d’un juge Prud’homal employé. Le bureau a la possibilité d’entendre chaque partie séparément dans le respect de la confidentialité. A ce stade, soit la conciliation est un succès, soit le bureau oriente les parties vers l’une des formations de jugement.

Le bureau doit alors assurer la mise en état de jugement de l’affaire. Si l’affaire n’est pas en état d’être jugée, le bureau peut désigner des conseillers rapporteurs. Ces derniers prescrivent alors toutes mesures nécessaires pour que l’affaire puisse être jugée.

Si une des parties est absente durant la phase de conciliation sans motif légitime, le bureau peut juger l’affaire. Pour ce faire, il y procède dans sa formation restreinte.

Si les parties y consentent, le bureau a la possibilité de les orienter vers une formation restreinte de jugement. Elle doit alors statuer dans les trois mois. Le bureau émet ensuite un procès-verbal de conciliation qui a la valeur d’un jugement exécutoire. En revanche, sa validité demeure subordonnée au fait que chaque partie doit avoir pris connaissance de leurs droits respectifs. Cette formalité est primordiale car, autrement, le procès-verbal serait nul et la phase de jugement devrait être enclenchée.

Seulement 10% des affaires se concluent par une conciliation. Généralement, le contentieux est sérieux si bien que phase de jugement s’impose.

 

La phase de jugement

Si la conciliation échoue (ou si la nature du litige l’exige), le jugement sera rendu par 2 conseillers employés et 2 conseillers employeurs. En cas de partage égal des voix, l’affaire est renvoyée devant le bureau de formation dans le mois, cette fois-ci présidé par un juge départiteur (le jugement est alors notifié par voie de secrétariat greffe). Ces juges sont désignés chaque année par le président du tribunal de grande instance en fonction de leur connaissance particulière (article L. 1454-2).

Si des conseillers viennent, exceptionnellement, à manquer pour rendre un jugement, la loi prévoit leur remplacement par des juges professionnels.

 

Les différentes formations du bureau de jugement

En outre, le bureau de jugement peut adopter trois structures différentes. Tout d’abord, il y a le bureau en formation classique composé de deux conseillers employeurs et de deux conseillers employés. Il a la compétence pour traiter toutes les demandes relevant des Prud’hommes et c’est à lui qu’échoit les affaires dont les parties n’ont pu convenir des autres formations de jugement.

Ensuite, il y a la formation restreinte. C’est la même que lorsque le bureau statue sur la phase de conciliation. Le nombre de conseiller passe donc de 2 à 4, soit une composition faite d’un conseiller employeur et d’un conseiller employé. Sa compétence repose toutefois sur deux conditions : le litige doit porter sur un licenciement ou une résiliation judiciaire et chaque partie doit consentir à ce que l’affaire soit jugée par cette formation restreinte.

Enfin, il y a également la formation de départage. Comme évoqué auparavant, cette formation a lieu lorsque la formation classique a abouti à un partage égal des voix. La bureau, lors de la phase de conciliation, peut aussi orienter directement les parties vers la formation de départage. Cela permet d’éviter une procédure trop longue. Cette formation comprend un juge départiteur assisté de deux conseillers employeurs et de deux conseillers employés. Chacune des parties doit, à l’instar de la formation restreinte, consentir à ce qu’une telle formation prononce le verdict.

 

Qu’en est-il de la notion de chef de demande ?

Aux Prud’hommes, il est possible de regrouper plusieurs prétentions sous un même « chef de demande ». Il existe trois chef de demande différents : les sommes à caractère salarial, les indemnités de rupture et les indemnités de rupture anormale du contrat de travail. Cela permet de faciliter la procédure en en diminuant le nombre de recours nécessaires. De plus, on peut alors distinguer les chefs de demande supérieurs à 4000€ dont le jugement est susceptible d’appel. Autrement, seul un pourvois en cassation est possible dans un délais de 2 mois (et sans effet suspensif).

 

La procédure extraordinaire

Elle se compose de l’unique phase de nature contentieuse. Elle porte sur des litiges précis tels que:

  • La contestation des créances des salariés lorsque l’entreprise est en redressement ou en liquidation judiciaire.
  • La saisine de la procédure en référé.
  • Lorsqu’une procédure spécifique est nécessaire (ex : la requalification d’un CDD en CDI).
  • Tout type de demandes spécifiques (ex : demande reconventionnelle).

 

La procédure extraordinaire dépend donc grandement du cas d’espèce.

 

L’importance de se faire assister par un avocat lors d’une procédure aux Prud’hommes

Nombreuses sont les formalités à remplir pour assigner quelqu’un aux Prud’hommes… et remporter le litige !

Entre la préparation du dossier, la collecte de preuves, la rédaction de l’assignation Prud’homale et les négociations en cours d’instance, recourir à un avocat n’est pas un luxe. De plus, il peut s’avérer d’un soutien moral utile lors des situations compliquées et lors de la confrontation avec l’ex-employeur.

 

A lire aussi : 10 bonnes raisons d’avoir un avocat

Quels coûts peut engendrer une procédure aux Prud’hommes ?

La procédure de jugement est gratuite. Cependant, des frais annexes de différentes natures existent et sont à prendre en compte.

Il faut donc compter les frais de dossiers relatifs à l’assignation aux Prud’hommes au secrétariat greffe, qui sont de 35€. Si vous décidez d’interjeter appel, les frais de dossiers supplémentaires seront de 150€.

Cependant, une grande partie des dépenses varie selon les professionnels auxquels la procédure fait appel (huissier, expert). Il ne faut pas oublier les frais d’avocats si une des parties décide de se faire assister. Les honoraires varient d’un avocat à un autre.

Enfin, il y a également tous les coûts indirects liés aux jours de congé et aux déplacements qui sont également à prendre en compte.

Le verdict peut aussi prévoir qu’une des parties participe aux frais avancés par l’autre partie. Généralement, la partie dont le verdict a confirmé la prétention peut se voir attribuer une somme de 1500€ versée par l’autre partie. Il faut toutefois en avoir préalablement fait la demande lors de la constitution du dossier.

Il est possible, sous condition de revenu, de demander l’aide juridictionnelle. Cette dernière couvre tous les frais engagés pour les personnes ayant un revenu mensuel inférieur à 930€. Elle couvre entre 15% et 85% des frais engagés lorsque le revenu mensuel est inférieur à 1393€. Ces montants peuvent augmenter en fonction des personnes à charge.

 

Quelles indemnités possibles ?

A la suite d’un licenciement, des indemnités peuvent se cumuler. C’est le cas des éventuelles indemnités de préavis , des indemnités légales de licenciement si le salarié a plus d’un an d’ancienneté ou encore des indemnités de congés payés.

En cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse, le salarié peut toucher une indemnité de 6 mois de salaires brut minimum lorsqu’il a plus de 2 ans d’ancienneté dans une entreprise d’au moins 11 salariés. En l’absence de telles conditions, l’indemnité s’évalue au regard du préjudice subi.

 

 

Aller aux Prud’hommes n’est pas un acte anodin mais ne doit pas être dissuasif pour autant ! Avoir la possibilité de recevoir des indemnités et de voir la justice nous donner raison est généralement gratifiant. Cependant, assurez-vous auparavant, notamment auprès d’un avocat, du fondement de votre action en justice et prenez soin de constituer un dossier aussi complet que possible !

 

Pour approfondir la question, lire aussi : saisine du conseil de prud’hommes (site officiel de l’administration française)

 

 

 

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